Laisser la vie sauvage libre en nous
Article paru dans la revue Rêve de femmes n°40, hiver 2015 - www.revedefemmes.net.

Le sauvage, c’est la vie en nous, libre de toute éternité. La femme sauvage est libre parce qu’elle laisse la vie jouer librement en elle. Et cette liberté est possible, lorsque la femme se reconnait comme étant la vie même et la liberté même. Que signifie cette vie libre et cette liberté ? Comment peut-on (re)devenir sauvage, vivante, libre ?
Retrouver notre nature sauvage de petite fille
Souvenons-nous… de la petite fille que nous étions, vers trois, quatre ans. Nous étions tellement vivante! Il n’y avait pas en nous de distinction entre nous-même et ce que nous vivions. Il n’y avait pas nous et la vie, concepts d’adulte. Nous étions la vie même, et celle-ci agissait librement à travers nous. Nous vivions l’instant qui se présentait, sans aucun commentaire, sans jugement, sans notion de bien ou de mal, juste le vécu direct de chaque moment. Un vécu intense, vibrant, curieux de tout. Nous ne savions pas raconter notre journée, car seul l’instant comptait. Nous étions l’instant. Nous étions un espace libre au sein duquel toute expérience pouvait éclore, se vivre puis retourner à sa source et y disparaitre sans regret, sans manque, sans stratégie d’un après, sans idée d’un future à construire. Nous étions une conscience en éclosion, heureuse d’explorer notre corps et le monde, une conscience brute, libre et spontanée. Sauvage puisqu’indomptée. Indomptée du fait d’un mental encore en sommeil, puisqu’en construction. Encore libre de l’idée, du concept, de la croyance même d’être une personne séparée de cette vie qui nous anime et qui nous constitue.
Se séparer de soi pour mieux revenir
Puis est venu le temps de la « séparation », de la construction mentale et imaginaire d’un moi séparé, d’une identité solitaire, désunie de sa propre matrice, la vie. L’attraction éducative et sociale a été trop forte : nous avons troqué notre liberté originelle et la joie merveilleuse qui l’accompagnait contre une identité individuelle de façade qui revendique une liberté de choix et un libre arbitre qui nous séparent encore un peu plus de la vie que nous sommes. Et ce faisant nous avons perdu notre bien le plus précieux, la vraie liberté qui exige un don de soi total au vivant, pour à nouveau laisser la vie être. Nous avons voilé notre sauvagerie par un masque social et la revendication d’avoir une vie propre à défendre et à construire. Et aujourd’hui, nous trouvons que ce masque est bien lourd à porter. Nous cherchons la façon de le faire enfin glisser de notre visage. Parce que la mémoire de la petite fille sauvage se rappelle à nous.
Ne rien regretter. Le voyage au sein de la séparation fait parti du jeu. Il faut se retirer de soi-même pour mieux se retrouver, se redécouvrir, se reconnaitre à nouveau comme libre et unifiée à la source du vivant, cette fois avec une conscience adulte, mature, capable d’assumer sa vie dans le monde tel qu’il est et de créer. Ne pas être sauvage et libre est une croyance, c’est une perception erronée sur soi-même. Pour retrouver notre sauvagerie, nous avons juste à regarder profondément en nous-mêmes afin de démasquer le faux et retrouver le vrai, notre liberté innée.
Voir que nous rejetons le sauvage en nous
Vers la trentaine, j’ai voulu apprendre à dire « oui à la vie » car selon de nombreux textes de sagesse ancienne, ce oui semblait annoncer la fin de cette souffrance qui souvent me submergeait. Je m’assis en méditation et plongeai en moi-même afin de toucher ce graal. Or, je n’y trouvai qu’un refus magistral et puissant de tout ce qui se vivait en moi (émotions et sensations) et à l’extérieur de moi (évènements et expériences). A chaque instant je désirai autre chose, me mettant en décalage constant avec le réel et l’instant, créant ainsi tensions et souffrance. Observer le mécanisme du refus devint ma pratique prioritaire. J’appris à plonger dans mes perceptions intérieures et à toucher de plus en plus profondément la sensation du refus et ses tensions. Mois après mois, année après année, j’ai pu sentir le rejet se « vider », pour laisser la place à de longues phases de joie sans cause qui devenaient possibles du fait de l’espace ainsi créé. Ce fut effectivement la fin de la souffrance, car la souffrance vient du refus de la vie en soi. Lorsque la vie est libérée, ne reste plus qu’un contentement d’être en vie, la beauté du vécu et l’émerveillement.
Ne plus avoir peur de ses peurs
La peur est une des émotions que nous cherchons le plus à éviter. Nous avons peur de son intensité, de sa sauvagerie, et de faire face à ce qu’elle cache : notre angoisse profonde de la liberté. Intimement, nous savons que se libérer demande d’abandonner tout contrôle. Et cela nous terrorise. Or, d’expérience j’observe que nous n’avons pas peur de nous abandonner à la vie, nous avons peur parce que nous ne nous abandonnons pas. Lorsque nous sommes libres, nous laissons la vie être et s’assurer elle-même de son bien-être.
En réalité, nos peurs ne cherchent qu’à circuler en nous, car elles sont aussi la vie même. Mais tant que l’espace n’est pas vacant, tant que nous tentons de les refouler, elles prennent le pouvoir. Apprendre à les vivre pleinement et à les libérer est un extraordinaire voyage au coeur de notre sauvagerie la plus profonde. J’ai appris à faire face à la peur, parfois en allant des heures durant dans la forêt m’assoir contre un arbre pour apprendre à voir le mécanisme de mise à distance du mental et laisser la peur enfin me toucher, m’envahir, me dévorer, puis me traverser, pour laisser ensuite place au silence et à une merveilleuse tranquillité. A ces occasions, j’ai ainsi vécu mes premières absorptions à la source de la vie et mes premiers contacts avec la joie d’être qui se présente lorsqu’on accepte enfin de se laisser submerger totalement par la vie en nous.
Laisser la vie jouer librement en nous
Retrouver le sauvage nous demande donc de rouvrir tout l’espace en nous pour permettre à notre vécu intérieur de jouer à sa guise. Et pour cela de voir les mécanismes qui n’autorisent pas cette liberté et les filtres qui empêchent le vécu direct.
Observons qu’à chaque émotion qui se présente, cela se raidi en nous, et que subtilement nous rejetons l’expérience, nous l’approprions ou essayons de la transformer. Nous sommes dans le « faire » et ce faisant, nous transformons l’instant et ne le vivons pas. Au début, nous allons percevoir qu’il y a nous et notre ressenti. Le vécu est indirect. Puis peu à peu, nous allons apprivoiser ce ressenti, moins le mettre à distance. Notre observation va devenir de plus en plus neutre, avec moins de commentaires, de jugement. Notre vécu sera de plus en plus direct, puisqu’il n’y aura plus tout ces filtres du mental pour s’interposer entre nous et notre vécu. Lorsque les commentaires s’arrête, que le jugement s’arrête, reste juste l’instant, reste « être ».
Ne cherchons pas à accueillir, ce serait encore modifier le réel. Dans ce regard intérieur de plus en plus nu, de plus en plus aimant, l’accueil va se faire tout seul, sans bruit, sans volonté, sans effort.
De cet accueil va naitre une autorisation profonde à être ce que nous sommes et ce qui se vit en nous à chaque instant. Tout va se dénuder, se simplifier, jusqu’à toucher un vécu profond, intense, direct, libérant un sentiment de sauvagerie inouï, apportant joie, créativité et espièglerie. Nous avons à nouveau quatre ans.
Retrouver notre nature sauvage de petite fille
Souvenons-nous… de la petite fille que nous étions, vers trois, quatre ans. Nous étions tellement vivante! Il n’y avait pas en nous de distinction entre nous-même et ce que nous vivions. Il n’y avait pas nous et la vie, concepts d’adulte. Nous étions la vie même, et celle-ci agissait librement à travers nous. Nous vivions l’instant qui se présentait, sans aucun commentaire, sans jugement, sans notion de bien ou de mal, juste le vécu direct de chaque moment. Un vécu intense, vibrant, curieux de tout. Nous ne savions pas raconter notre journée, car seul l’instant comptait. Nous étions l’instant. Nous étions un espace libre au sein duquel toute expérience pouvait éclore, se vivre puis retourner à sa source et y disparaitre sans regret, sans manque, sans stratégie d’un après, sans idée d’un future à construire. Nous étions une conscience en éclosion, heureuse d’explorer notre corps et le monde, une conscience brute, libre et spontanée. Sauvage puisqu’indomptée. Indomptée du fait d’un mental encore en sommeil, puisqu’en construction. Encore libre de l’idée, du concept, de la croyance même d’être une personne séparée de cette vie qui nous anime et qui nous constitue.
Se séparer de soi pour mieux revenir
Puis est venu le temps de la « séparation », de la construction mentale et imaginaire d’un moi séparé, d’une identité solitaire, désunie de sa propre matrice, la vie. L’attraction éducative et sociale a été trop forte : nous avons troqué notre liberté originelle et la joie merveilleuse qui l’accompagnait contre une identité individuelle de façade qui revendique une liberté de choix et un libre arbitre qui nous séparent encore un peu plus de la vie que nous sommes. Et ce faisant nous avons perdu notre bien le plus précieux, la vraie liberté qui exige un don de soi total au vivant, pour à nouveau laisser la vie être. Nous avons voilé notre sauvagerie par un masque social et la revendication d’avoir une vie propre à défendre et à construire. Et aujourd’hui, nous trouvons que ce masque est bien lourd à porter. Nous cherchons la façon de le faire enfin glisser de notre visage. Parce que la mémoire de la petite fille sauvage se rappelle à nous.
Ne rien regretter. Le voyage au sein de la séparation fait parti du jeu. Il faut se retirer de soi-même pour mieux se retrouver, se redécouvrir, se reconnaitre à nouveau comme libre et unifiée à la source du vivant, cette fois avec une conscience adulte, mature, capable d’assumer sa vie dans le monde tel qu’il est et de créer. Ne pas être sauvage et libre est une croyance, c’est une perception erronée sur soi-même. Pour retrouver notre sauvagerie, nous avons juste à regarder profondément en nous-mêmes afin de démasquer le faux et retrouver le vrai, notre liberté innée.
Voir que nous rejetons le sauvage en nous
Vers la trentaine, j’ai voulu apprendre à dire « oui à la vie » car selon de nombreux textes de sagesse ancienne, ce oui semblait annoncer la fin de cette souffrance qui souvent me submergeait. Je m’assis en méditation et plongeai en moi-même afin de toucher ce graal. Or, je n’y trouvai qu’un refus magistral et puissant de tout ce qui se vivait en moi (émotions et sensations) et à l’extérieur de moi (évènements et expériences). A chaque instant je désirai autre chose, me mettant en décalage constant avec le réel et l’instant, créant ainsi tensions et souffrance. Observer le mécanisme du refus devint ma pratique prioritaire. J’appris à plonger dans mes perceptions intérieures et à toucher de plus en plus profondément la sensation du refus et ses tensions. Mois après mois, année après année, j’ai pu sentir le rejet se « vider », pour laisser la place à de longues phases de joie sans cause qui devenaient possibles du fait de l’espace ainsi créé. Ce fut effectivement la fin de la souffrance, car la souffrance vient du refus de la vie en soi. Lorsque la vie est libérée, ne reste plus qu’un contentement d’être en vie, la beauté du vécu et l’émerveillement.
Ne plus avoir peur de ses peurs
La peur est une des émotions que nous cherchons le plus à éviter. Nous avons peur de son intensité, de sa sauvagerie, et de faire face à ce qu’elle cache : notre angoisse profonde de la liberté. Intimement, nous savons que se libérer demande d’abandonner tout contrôle. Et cela nous terrorise. Or, d’expérience j’observe que nous n’avons pas peur de nous abandonner à la vie, nous avons peur parce que nous ne nous abandonnons pas. Lorsque nous sommes libres, nous laissons la vie être et s’assurer elle-même de son bien-être.
En réalité, nos peurs ne cherchent qu’à circuler en nous, car elles sont aussi la vie même. Mais tant que l’espace n’est pas vacant, tant que nous tentons de les refouler, elles prennent le pouvoir. Apprendre à les vivre pleinement et à les libérer est un extraordinaire voyage au coeur de notre sauvagerie la plus profonde. J’ai appris à faire face à la peur, parfois en allant des heures durant dans la forêt m’assoir contre un arbre pour apprendre à voir le mécanisme de mise à distance du mental et laisser la peur enfin me toucher, m’envahir, me dévorer, puis me traverser, pour laisser ensuite place au silence et à une merveilleuse tranquillité. A ces occasions, j’ai ainsi vécu mes premières absorptions à la source de la vie et mes premiers contacts avec la joie d’être qui se présente lorsqu’on accepte enfin de se laisser submerger totalement par la vie en nous.
Laisser la vie jouer librement en nous
Retrouver le sauvage nous demande donc de rouvrir tout l’espace en nous pour permettre à notre vécu intérieur de jouer à sa guise. Et pour cela de voir les mécanismes qui n’autorisent pas cette liberté et les filtres qui empêchent le vécu direct.
Observons qu’à chaque émotion qui se présente, cela se raidi en nous, et que subtilement nous rejetons l’expérience, nous l’approprions ou essayons de la transformer. Nous sommes dans le « faire » et ce faisant, nous transformons l’instant et ne le vivons pas. Au début, nous allons percevoir qu’il y a nous et notre ressenti. Le vécu est indirect. Puis peu à peu, nous allons apprivoiser ce ressenti, moins le mettre à distance. Notre observation va devenir de plus en plus neutre, avec moins de commentaires, de jugement. Notre vécu sera de plus en plus direct, puisqu’il n’y aura plus tout ces filtres du mental pour s’interposer entre nous et notre vécu. Lorsque les commentaires s’arrête, que le jugement s’arrête, reste juste l’instant, reste « être ».
Ne cherchons pas à accueillir, ce serait encore modifier le réel. Dans ce regard intérieur de plus en plus nu, de plus en plus aimant, l’accueil va se faire tout seul, sans bruit, sans volonté, sans effort.
De cet accueil va naitre une autorisation profonde à être ce que nous sommes et ce qui se vit en nous à chaque instant. Tout va se dénuder, se simplifier, jusqu’à toucher un vécu profond, intense, direct, libérant un sentiment de sauvagerie inouï, apportant joie, créativité et espièglerie. Nous avons à nouveau quatre ans.