Lettre à un chercheur

Il y a peu, une personne que j’accompagne m’a dit : « je veux avoir ton vécu ».
J’ai lu aussi, entendu ici ou là « il n’y a personne, il n’y a que la pure conscience, la souffrance n’existe pas, il n’y a que pure amour », etc.
Alors j’ai envie de partager ceci avec toi, chercheur courageux :
C’est vrai qu’il y a certains passages (donc cela ne dure pas) où on perçoit tout du point de vu de l’absolu, de la transcendance, de l’impersonnel, ce qui nous décolle (parfois fortement) du petit moi et de ses souffrances (mais alors on ne les voit plus, c’est tout).
Et ne crois pas que je ne l’ai pas fait.
Mais aujourd’hui,
je ne peux qu’être très honnête et te dire :
Oh mon dieu, si tu savais comme je ne vis rien de particulier !
Comme ma vie est banale et simple !
Et toi, accepte tu aussi de ne rien vivre de particulier ?
De vivre une vie banale, normale ?
De vivre ta vie comme elle est déjà, mais de la vivre vraiment ?
Désolée, je ne peux pas te vendre des trucs du genre : « tu vas voir, tu es l’illimité, l’amour ultime, la présence, la liberté, la vie elle-même, la simplicité même ».
Bien sûr, tout cela est absolument vrai, et je l’ai partagé ici aussi parfois.
Mais après l’avoir découvert (et même si ce n’est pas le cas) il faut l’incarner dans la vraie vie, le réel, et en découvrir la substance dans l’incarnation, dans la vie quotidienne, sinon la vision reste partielle, « en dehors du monde » et va se ternir avec le temps.
Un élève demanda à son maitre : « qu’apprendrais-tu à une personne qui se dit éveillée ? » - « je lui apprendrais à vivre l’éveil dans son corps », répondis le maitre.
La pratique profonde commence ici, dans le réel, dans le corps, dans les émotions, les sensations.
Rien de ce que nous vivons n’est à exclure.
Alors es-tu prêt à vivre ta vie telle qu’elle se présente, sans rien exclure, ni rien attendre de spécial ?
Ce que je réalise en réalité, c’est que :
je n’ai rien compris (et c’est de pire en pire),
je ne suis arrivée nul part,
et je n’ai rien de plus qu’avant.
Plutôt moins, car je m’allège (et donc en un sens je m’appauvrie) chaque jour de mes croyances et de mes attachements.
Par contre il y a une évidence que je suis à chaque instant au bon endroit, au bon moment, avec le vécu le meilleur qui soit, même s’il n’est pas agréable.
Et je n’attends plus que la vie m’apporte telle ou telle expérience, aussi sublime soit-elle, cela ne m’intéresse pas, tellement pas, et ça c’est une très grande liberté.
Je suis telle que je suis, dans l’instant, et sais que cela ne peut être autrement.
A chaque fois que j’ai cru être arrivé quelque part, je l’ai perdu.
Il faut être prêt à perdre tout, même la présence, « être », l’amour, le sentiment d’illimité, les extases les plus sublimes, l’absolu, etc.
Quand je dis perdre,
c’est perdre la prétention que c’est ce qui doit être vécu,
que c’est ce qu’il faut atteindre,
c’est perdre la prétention qu’on a acquis ça, que cela nous appartient,
c’est perdre cette propension à en faire une expérience personnelle,
et c’est perdre l’interprétation qu’on en fait, la compréhension qu’on en a.
Il faut être prêt à ça, à ce dénuement là.
A chaque fois que je renonce, j’accède à une vision plus profonde, auquel je dois renoncer aussitôt.
A chaque fois je suis invitée : es-tu prête à lâcher ça ? Tes attentes, tes prétentions, tes attachements ?
Parfois je suis prête, parfois c’est plus long.
Mais j’ai une conscience profonde que c’est le seul rythme possible, que je n’ai pas la main.
Je vous mentirais si je ne témoignais pas ici de cette joie de fond, une complétude, qui accompagne désormais mon vécu quotidien quoi qu’il soit (mais pas toujours).
De cette simplicité qui facilite tout.
De cette liberté qui anime mes pas (mais pas tout le temps).
Mais si vous saviez comme je suis normale,
et comme ma vie est banale et simple !
Vous croyez que je ne souffre pas ?
Ah ah, oui c’est vrai, la notion de souffrance a perdu son sens premier,
mais certains jours c’est dure aussi, c’est le bordel.
Seulement, cela ne dure pas plus que quelques instants, ou quelques heures.
Parfois je résiste à certaines vérités qui s’imposent : alors c’est plus douloureux.
Parfois j’ai aussi de profondes émotions, plus la vie va, plus elle joue avec mes limites.
C’est la tendresse pour ce bordel, ces émotions là, pour mes résistances qui fait la différence.
Le peu de résistance à tout ça rend les choses douces et sinon acceptables.
Oui il y a une douceur qui est là.
Une simplicité d’être juste en vie, qu’elle soit fluide ou non.
Alors je sais que ce n’est pas facile à entendre, Oh chercheur courageux, car l’être humain est cablé pour espérer toujours mieux et toujours plus de sécurité.
C’est vertigineux mais indispensable de comprendre que tout se passe maintenant, qu’il n’y aura rien de mieux plus tard.
Il n’y a donc rien à trouver ailleurs qu’ici même dans ta forme actuelle, avec tes émotions et fonctionnements actuels, avec l’inconfort actuel.
Rien à changer.
Rien à transcender.
Rien à vivre de particulier.
Rien qui doit être mieux, où ceci, où cela.
Je n’aurai donc de cesse de te ramener à cette banalité de la vie et du quotidien.
Je n’aurai de cesse de te remettre dans TA vie.
De te montrer comment tu essaie d’échapper, de fuir le réel, alors que c’est ton plus cher désir de t’y fondre totalement.
De te montrer que parfois tu utilise inconsciemment la quête spirituelle, la méditation pour te fuir.
Je n’aurai de cesse de te ramener toujours plus à ouvrir ton coeur à la vie telle qu’elle est et à ce que tu es toi,
cette vie là.
J’ai lu aussi, entendu ici ou là « il n’y a personne, il n’y a que la pure conscience, la souffrance n’existe pas, il n’y a que pure amour », etc.
Alors j’ai envie de partager ceci avec toi, chercheur courageux :
C’est vrai qu’il y a certains passages (donc cela ne dure pas) où on perçoit tout du point de vu de l’absolu, de la transcendance, de l’impersonnel, ce qui nous décolle (parfois fortement) du petit moi et de ses souffrances (mais alors on ne les voit plus, c’est tout).
Et ne crois pas que je ne l’ai pas fait.
Mais aujourd’hui,
je ne peux qu’être très honnête et te dire :
Oh mon dieu, si tu savais comme je ne vis rien de particulier !
Comme ma vie est banale et simple !
Et toi, accepte tu aussi de ne rien vivre de particulier ?
De vivre une vie banale, normale ?
De vivre ta vie comme elle est déjà, mais de la vivre vraiment ?
Désolée, je ne peux pas te vendre des trucs du genre : « tu vas voir, tu es l’illimité, l’amour ultime, la présence, la liberté, la vie elle-même, la simplicité même ».
Bien sûr, tout cela est absolument vrai, et je l’ai partagé ici aussi parfois.
Mais après l’avoir découvert (et même si ce n’est pas le cas) il faut l’incarner dans la vraie vie, le réel, et en découvrir la substance dans l’incarnation, dans la vie quotidienne, sinon la vision reste partielle, « en dehors du monde » et va se ternir avec le temps.
Un élève demanda à son maitre : « qu’apprendrais-tu à une personne qui se dit éveillée ? » - « je lui apprendrais à vivre l’éveil dans son corps », répondis le maitre.
La pratique profonde commence ici, dans le réel, dans le corps, dans les émotions, les sensations.
Rien de ce que nous vivons n’est à exclure.
Alors es-tu prêt à vivre ta vie telle qu’elle se présente, sans rien exclure, ni rien attendre de spécial ?
Ce que je réalise en réalité, c’est que :
je n’ai rien compris (et c’est de pire en pire),
je ne suis arrivée nul part,
et je n’ai rien de plus qu’avant.
Plutôt moins, car je m’allège (et donc en un sens je m’appauvrie) chaque jour de mes croyances et de mes attachements.
Par contre il y a une évidence que je suis à chaque instant au bon endroit, au bon moment, avec le vécu le meilleur qui soit, même s’il n’est pas agréable.
Et je n’attends plus que la vie m’apporte telle ou telle expérience, aussi sublime soit-elle, cela ne m’intéresse pas, tellement pas, et ça c’est une très grande liberté.
Je suis telle que je suis, dans l’instant, et sais que cela ne peut être autrement.
A chaque fois que j’ai cru être arrivé quelque part, je l’ai perdu.
Il faut être prêt à perdre tout, même la présence, « être », l’amour, le sentiment d’illimité, les extases les plus sublimes, l’absolu, etc.
Quand je dis perdre,
c’est perdre la prétention que c’est ce qui doit être vécu,
que c’est ce qu’il faut atteindre,
c’est perdre la prétention qu’on a acquis ça, que cela nous appartient,
c’est perdre cette propension à en faire une expérience personnelle,
et c’est perdre l’interprétation qu’on en fait, la compréhension qu’on en a.
Il faut être prêt à ça, à ce dénuement là.
A chaque fois que je renonce, j’accède à une vision plus profonde, auquel je dois renoncer aussitôt.
A chaque fois je suis invitée : es-tu prête à lâcher ça ? Tes attentes, tes prétentions, tes attachements ?
Parfois je suis prête, parfois c’est plus long.
Mais j’ai une conscience profonde que c’est le seul rythme possible, que je n’ai pas la main.
Je vous mentirais si je ne témoignais pas ici de cette joie de fond, une complétude, qui accompagne désormais mon vécu quotidien quoi qu’il soit (mais pas toujours).
De cette simplicité qui facilite tout.
De cette liberté qui anime mes pas (mais pas tout le temps).
Mais si vous saviez comme je suis normale,
et comme ma vie est banale et simple !
Vous croyez que je ne souffre pas ?
Ah ah, oui c’est vrai, la notion de souffrance a perdu son sens premier,
mais certains jours c’est dure aussi, c’est le bordel.
Seulement, cela ne dure pas plus que quelques instants, ou quelques heures.
Parfois je résiste à certaines vérités qui s’imposent : alors c’est plus douloureux.
Parfois j’ai aussi de profondes émotions, plus la vie va, plus elle joue avec mes limites.
C’est la tendresse pour ce bordel, ces émotions là, pour mes résistances qui fait la différence.
Le peu de résistance à tout ça rend les choses douces et sinon acceptables.
Oui il y a une douceur qui est là.
Une simplicité d’être juste en vie, qu’elle soit fluide ou non.
Alors je sais que ce n’est pas facile à entendre, Oh chercheur courageux, car l’être humain est cablé pour espérer toujours mieux et toujours plus de sécurité.
C’est vertigineux mais indispensable de comprendre que tout se passe maintenant, qu’il n’y aura rien de mieux plus tard.
Il n’y a donc rien à trouver ailleurs qu’ici même dans ta forme actuelle, avec tes émotions et fonctionnements actuels, avec l’inconfort actuel.
Rien à changer.
Rien à transcender.
Rien à vivre de particulier.
Rien qui doit être mieux, où ceci, où cela.
Je n’aurai donc de cesse de te ramener à cette banalité de la vie et du quotidien.
Je n’aurai de cesse de te remettre dans TA vie.
De te montrer comment tu essaie d’échapper, de fuir le réel, alors que c’est ton plus cher désir de t’y fondre totalement.
De te montrer que parfois tu utilise inconsciemment la quête spirituelle, la méditation pour te fuir.
Je n’aurai de cesse de te ramener toujours plus à ouvrir ton coeur à la vie telle qu’elle est et à ce que tu es toi,
cette vie là.